16 de marzo de 2014

Le texte du journal Le Devoir:

L’autre Capa

 On connaissait Robert Capa grand maître du noir et blanc ; ses images légendaires du Débarquement et de la guerre civile d’Espagne lui ont assuré une place de choix au panthéon du photojournalisme. Mais seuls quelques initiés savent qu’il est aussi l’auteur de milliers de clichés en couleurs restés dans l’ombre pendant plus d’un demi-siècle, faute de moyens techniques permettant leur restauration.
L’exposition Capa in Color, organisée par l’International Center of Photography à New York, permet de découvrir ce versant largement ignoré de son oeuvre à travers 125 tirages inédits : époustouflants portraits de marins pris lors d’un convoi de la Royal Navy en Atlantique, photographies intimes d’Ernest Hemingway et de ses fils, voyages en Norvège ou dans les Alpes, plongée dans la dolce vita romaine.
Autant d’images aux couleurs éclatantes, délestées de l’austère gravité du noir et blanc, qui fourmillent de détails autrefois invisibles.
L’institut new-yorkais possède plus de 4000 diapositives, tous formats confondus, témoignant de son appétit insatiable pour tous les genres photographiques. « Capa s’est réinventé en tant que photographe quand il ne couvrait pas les guerres ou les conflits politiques », commente Cynthia Young, commissaire de l’exposition et conservatrice des archives de Robert et Cornell Capa.
Rejetées par la presse
Le photographe a tout de suite été emballé par l’arrivée des premiers films en couleurs. En 1938, alors qu’il est en train de couvrir la guerre sino-japonaise, il demande à son agence de lui envoyer douze rouleaux de Kodachrome avec toutes les instructions. Seulement quatre photos de la Chine ont survécu, mais son enthousiasme pour le nouveau médium était né.
Tout au long des années 1940, Capa continuera à couvrir de nombreux sujets géopolitiques pour Life, Illustrated et le Saturday Evening Post, mais la grande majorité des images couleur produites durant cette période seront rejetées par la presse. Trois clichés réalisés en 1941 lors d’un reportage sur l’effort de guerre anglais échapperont de justesse à la « censure ».
« L’idée que Capa ait utilisé la couleur de façon régulière et pas juste occasionnellement dès 1941 peut paraître surprenante, voire choquante pour certains, reconnaît Cynthia Young, qui souligne le rôle joué par son frère, Cornell, dans la découverte tardive de ces images. Après sa mort, toutes les expositions et projets posthumes ont vraiment exclu le travail de la couleur qu’il a effectué pendant une bonne partie de sa carrière. Il y avait cette idée, dans les années 1960 et 1970, qu’un vrai journaliste photo ne travaillait pas en couleurs. »
Capa avait deux boîtiers en permanence et il était parfaitement conscient que certains magazines seraient prêts à payer plus pour avoir de la couleur. « La couleur était à la fois plus exotique et exclusive pour certains sujets », confirme Cynthia Young. Rien d’étonnant dès lors à ce que l’élégante revue de voyage américaine Holiday, lancée en 1946, devienne l’un de ses plus fervents supporteurs. Ses reportages en URSS avec John Steinbeck, en Israël avec Irwin Shaw ou en Hongrie donneront lieu à de larges publications en couleurs les années suivantes.
En 1948, Look l’envoie dans le sud de la France pour un reportage sur les poteries de Pablo Picasso. Il en revient avec des images tendres du peintre espagnol jouant avec son fils Claude dans les vagues. En 1950, on le retrouve sur le plateau des plus grands films hollywoodiens produits en Europe.
L’exposition s’achève sur des images déchirantes prises le 25 mai 1954, sur la route entre Nam dinh et Thai binh au Vietnam, avant qu’il ne trouve la mort en marchant sur une mine. En 1953, il écrivait dans une de ses lettres : « Biarritz, Deauville, les films bigarrés, c’est fini. Je ne sais pas encore où ni comment, mais je suis prêt à reprendre mon vrai travail. »

No hay comentarios.:

Publicar un comentario